Quand j'étais plus jeune, jamais je ne me serais imaginée avec une canne blanche, cet outil qui à lui tout seul, crie tout mon handicap à la face du monde.
Pourtant en 2019, j'ai franchi le pas.
Pourquoi ? comment ? Dans quel but ? On en parle tout de suite !
Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle vidéo, aujourd'hui on parle de canne blanche.
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Commençons cette vidéo par une petite anecdote ...
Avant tout, je vous conseille de regarder ma vidéo sur l'acceptation du handicap pour mieux comprendre ma position vis-à -vis de mon handicap. Ce n'est pas obligatoire mais je vous le conseille grandement pour une meilleure compréhension de la vidéo actuelle.
Cette anecdote date d'il y a trĂšs longtemps, je devais avoir 14 ans et j'Ă©tais en vacances chez mes grands-parents en Provence. Ă cette Ă©poque, ma mamie Ă©tait une femme active et sensible au handicap car mon papi Ă©tait lui-mĂȘme en situation de handicap moteur, et elle n'avait pas sa langue dans sa poche. Je repense Ă ce souvenir avec nostalgie car aujourd'hui, ma mamie est malade d'Alzheimer et bien loin de ce qu'elle a Ă©tĂ© mĂȘme si elle reste avant tout m mamie !
Nous avions passés une journée à Aix-en-Provence dans les rues partagées entre piétons et voitures et ma mamie avait fait la réflexion que pour ma propre sécurité il me faudrait une canne blanche pour que je puisse me signaler aux autres. Je m'étais alors offusquée, disant à ma mamie qu'il ne fallait pas abuser et qu'aprÚs tout, je n'étais pas aveugle !!!
Pour moi Ă cette Ă©poque, c'Ă©tait clair et net : la canne blanche, jamais de la vie !
đŁ Vers la canne blanche
Comme je l'ai déjà dit dans d'autres vidéos, en créant cette chaßne YouTube en 2017, j'avais vraiment cette envie de partager sur mon handicap et mon quotidien. Moi qui avais cherché toute ma vie à l'invisibiliser, je m'exprimais pour la premiÚre fois librement et sans me cacher sur le sujet. Et comme je l'ai souvent dit, cette aventure YouTube m'a apporté de belles rencontres et de belles remises en question notamment sur la canne blanche.
Et savez vous comment ? Grùce au personnage d'Ayako de la trilogie « Blind spot » de Guillaume Lebigot dont j'ai déjà fait une vidéo !
En lisant cette trilogie, je me suis totalement reconnue dans le personnage d'Ayako, cette Ă©tudiante japonaise. Et chose incroyable, sur le papier ce personnage de fiction a la mĂȘme vision que moi ! Et de quoi traitait le premier chapitre du premier tome ? De la canne blanche ! La maman de l'hĂ©roĂŻne ayant dĂ©cidĂ© de lui acheter une canne blanche pour qu'elle puisse signaler son handicap dans la rue et c'est tout.
C'est expliqué ainsi dans le livre : Ayako ne sait pas utiliser correctement sa canne blanche mais sa canne blanche lui permet de signaler sa déficience visuelle aux autres et ainsi lui facilite ses déplacements.
Et c'est ainsi que l'idĂ©e de la canne blanche a fait son chemin dans ma petite tĂȘte.
Je pense que tout dĂ©ficient visuel se dĂ©plaçant seul et sans canne dans la rue a dĂ©jĂ bousculĂ© par inadvertance un autre passant. Dans la plupart du temp un simple « dĂ©solĂ© » suffit mais certains se font agresser verbalement parce qu'aprĂšs tout, ils pourraient regarder oĂč ils marchent !
Combien de personnes ont déjà fait les gros yeux en voyant un comportement qu'il jugeait étrange d'un déficient visuel qui essayait de lire un panneau ? De lire un SMS ? De compter sa monnaie et j'en passe ... ?
Toutes ces petites choses me trottaient dans la tĂȘte : comme je devais paraĂźtre bizarre vu de l'extĂ©rieur aux yeux de certaines personnes !
Et la canne blanche dans tout ça ... ? Si elle « justifiait » en quelque sorte que quand je regarde mon téléphone je le colle à mon visage ? Que parfois j'ai besoin qu'on me confirme le numéro d'un bus car je ne peux pas le voir ... ? Et si la canne blanche pouvait m'apporter cette sérénité ?
đŁ PremiĂšre prise en main et achat.
Techniquement en France, tout le monde peut acheter une canne blanche, il n'y a pas besoin de prescription mĂ©dicale. J'imagine qu'en passant par un mĂ©decin on peut avoir une ordonnance et donc ĂȘtre remboursĂ© mais Ă ce que j'ai compris, c'est vraiment trĂšs peu.
Personnellement je ne voulais pas faire les choses n'importe comment et je voulais ĂȘtre un minimum accompagnĂ©e. Pour cela j'ai repris contact avec avec CĂ©line, instructrice de locomotion au SESSAD qui me suivait quand j'Ă©tais plus jeune.
Pour rappel, voici la définition d'instructeur de locomotion :
« L'instructeur en locomotion est un professionnel de santé qui travaille uniquement dans le domaine de la déficience visuelle. C'est le professionnel qui apprend à une personne déficiente visuelle à se déplacer en sécurité avec un maximum d'autonomie et d'aisance. Il est important de souligner que son travail s'adresse non seulement aux personnes aveugles mais aussi à toutes celles dont les possibilités visuelles ne sont pas suffisantes pour leur permettre de se déplacer en sécurité. »
CĂ©line travaillant dans un SESSAD, un Ă©tablissement qui accueille les jeunes jusqu'Ă environ 20 ans, elle ne pouvait pas me suivre Ă proprement dit en locomotion mais elle a vraiment pris un temps dans son planning pour m'aider et au cas oĂč vous ne le seriez pas, les instructeurs en locomotion sont trĂšs demandĂ©s et trĂšs peu nombreux en France. C'est donc dĂ©jĂ Ă©norme que CĂ©line ait pu m'accorder ce temps.
Je fais cette parenthÚse mais cette problématique concerne bien d'autres professionnels du domaine de la santé et du social et quand l'un d'eux arrive à dégager du temps pour rendre un service ça n'a pas de prix.
Bref, Céline m'a mise une canne blanche entre les mains, m'a expliqué comment la tenir et comment la manier dans ses plus basiques rudiments parce que oui, on ne fait pas n'importe quoi avec une canne blanche, avant de me conseiller pour un achat, de m'adresser à l'ESAT du domaine des Eaux Bleues, un ESAT étant pour ceux qui ne le savent pas, un Etablissement de Service d'Aide par le Travail.
15 jours plus tard, je recevais ma premiĂšre canne blanche pour une somme infĂ©rieur Ă 80 âŹ, je vous avoue que je n'ai pas gardĂ© la facture !
đŁ Les premiĂšres sorties avec la canne blanche et le regard des autres
Ma premiÚre sortie avec la canne blanche était en région parisienne dans un centre commercial avec le caméraman, ses frangines et sa maman si j'ai bonne mémoire.
J'avais du mal à trouver ma place dans la foule si je peux m'exprimer ainsi parce que j'avais tendance à anticiper visuellement ce qui tout naturellement, déstabilisait les personnes autour de moi.
J'ai trÚs vite découvert le super pouvoir de séparateur de foule de la canne blanche et j'ai aussi constaté tous les regards qu'elle attirait. Pour faire simple, j'ai été confrontée à quatre types de personnes !
1/ Les personnes qui s'en foutent et qui font leur vie tout naturellement tout en faisant attention de ne pas marcher sur la canne blanche pour autant.
2 Les personnes qui eux aussi s'en foutent royalement mais ne font absolument pas attention au monde qui les entoure.
3/ Les personnes qui paniquent totalement à la vue d'une canne blanche et qui en ont des comportements bizarres comme le fait de sauter par-dessus la canne plutÎt que de l'éviter en se déplaçant.
4/ Les personnes ayant un regard de pitié à la vue de la canne blanche.
Bien évidemment ses attitudes et ses regards je ne les perçois pas tout le temps et c'est plus la personne qui m'accompagne qui me les fait remarquer. Dans la grande majorité des cas, ça ne me touche pas et au contraire ça me fait sourire surtout dans le cas des regards de pitié envers ma propre personne.
Ce qui est le plus amusant en tout cas pour moi, c'est dans les transports en commun donc dans un lieu assez restreint et petit oĂč les gens pensent ĂȘtre discrets en me scrutant des pieds Ă la tĂȘte. Autant je ne peux pas voir les regards mais un corps tout entier tournĂ© vers moi ça, je peux le voir et le percevoir. Dans ces cas-lĂ , il me suffit de plus ou moins fixer le regard vers eux et ça a tendance Ă les faire se dĂ©tourner mal Ă l'aise. J'imagine qu'ils se disent : « Mince, finalement elle voit ! » et ça a tendance Ă beaucoup me faire sourire.
Par contre dans la mĂȘme veine, ce qui me dĂ©range la plus fortement ce sont les personnes trĂšs indĂ©licate qui parlent de moi alors que je suis juste Ă cĂŽtĂ© en me nommant par exemple, « la dame Ă la canne blanche ». Ăa c'est dĂ©jĂ arrivĂ© et j'avoue que ça me met trĂšs mal Ă l'aise et que je suis pas du tout fan.
đŁ Les points positifs et nĂ©gatifs de la canne blanche.
Comme je le disais plus tĂŽt, j'attendais de la canne blanche de pouvoir signaler aux autres mon handicap visuel et enfin oser demander de l'aide. Bref, gagner en autonomie et mine de rien en sĂ©curitĂ© et en sĂ©rĂ©nitĂ©. Et dans mon cas, dans ce que je cherchais de la canne blanche, ça a plutĂŽt Ă©tĂ© une rĂ©ussite. Je ne dis pas qu'il n'y a que eu du positif, il y a aussi du nĂ©gatif, on ne va pas se le cacher, mais c'est quand mĂȘme en grande majoritĂ© du positif.
Bien qu'au début, ce fut compliqué parce que j'apportais beaucoup trop d'importance à ce que je voyais quitte à me mettre en difficulté ou dans l'erreur, parce que ce que je vois n'est pas forcément trÚs fiable, aujourd'hui je me sens littéralement plus en sécurité dans mes déplacements seule avec la canne blanche.
Je n'ai pu Ă froncer les yeux comme pas possible pour Ă©viter des passants ou des poteaux et ça honnĂȘtement, c'est un vrai confort.
La majoritĂ© des personnes sont aussi plus attentifs car la canne blanche ça leur parle et ils sont alors plus disposĂ©s Ă Ă©couter et Ă aider et peut-ĂȘtre mĂȘme plus patients.
Pour les regards, parce que oui il y en a beaucoup, il faut bien se rendre compte que la canne blanche est un véritable aimant et que ça attise beaucoup la curiosité des personnes qui ne sont pas confrontées au handicap.
La canne blanche peut aussi entraĂźner son lot de comportement Ă©trange mais j'avoue ne pas y avoir Ă©tĂ© vraiment confrontĂ©. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, il faut l'admettre, la canne blanche peut ĂȘtre un vĂ©ritable frein Ă la rencontre et l'Ă©change. Les gens qui ne sont pas sensibilisĂ©s ont tendance Ă vraiment avoir une rĂ©action de stop Ă sa vue, ça c'est une une rĂ©alitĂ©.
đŁ Mon utilisation de la canne blanche.
Comme vous l'avez compris, je trouve beaucoup de positif Ă avoir une canne blanche mais ce n'est pas pour autant que je sors tout le temps avec elle.
Et c'est Ă ce moment-lĂ que je fais bondir quelques personnes ...
En fonction de ce que je fais et avec qui je suis je vais opter soit de sortir sans canne blanche avec mes lunettes qui m'offrent une acuité visuelle de 1/20 à droite ou sans lunettes et avec la canne blanche.
Bien que ça ne semble peut-ĂȘtre pas logique, j'ai remarquĂ© que mes lunettes me fatiguaient beaucoup parce que je vais du coup, naturellement, porter beaucoup d'importance Ă ce que je vais voir ou ce que je pense voir parce qu'il faut bien se le dire : Ă 1/20 ma vision n'est pas des plus fiable.
Du coup, le fait de pouvoir sortir avec la canne blanche ça m'évite d'avoir des lunettes et je me sens plus reposée, moins fatiguée tout en étant plus en sécurité.
Parfois il m'arrive aussi de vouloir qu'on me fiche la paix, de vouloir ĂȘtre discrĂšte et alors je mets mes lunettes et je laisse la canne blanche Ă la maison.
Disons qu'en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, quand je sors seule, je prends la canne blanche et quand je sors avec des amis, je ne la prends pas. Bon, ça dĂ©pend aussi du programme : si les dĂ©placements sont de nuit, de jour, si je connais l'endroit oĂč on va ou non, etc ... Bref, je m'adapte.
La canne blanche, c'est un outil, une aide en plus et je ne me mets aucune obligation Ă l'utiliser 7 jours/7, 24h/24. Comme pour tout, je m'adapte et je fais en fonction de mes besoins du moment.
đŁ La canne blanche n'est pas rĂ©servĂ© Ă une partie des dĂ©ficients visuels.
Je ne sais pas pour vous, mais j'ai ce petit défaut de me dire, consciemment ou non, que certaines choses sont réservées à une sorte d' « élite » et ça sur plein de thématiques. Ne fais pas ta pùte brisée toute seule, c'est réservé à ceux qui savent faire. Ne fais pas de CrossFit, c'est réservé aux supers sportifs. N'utilise pas une canne blanche c'est réservé aux « vrais aveugles ». Vous voyez le genre ?
Et bien, mettons un gros coup de pied dans toutes ces idées préconçues ! La canne blanche n'est pas réservée à certains déficients visuels. Vous avez le droit de l'essayer et de vous dire que c'est OK pour vous ou non. Vous avez le droit d'avoir une canne blanche dans le sac à dos et de la sortir quand vous en avez besoin. Vous avez le droit de switcher entre la canne blanche et sans canne blanche en fonction de vos besoins aussi.
Bien qu'il y ait un apprentissage pour utiliser une canne blanche, son utilisation profonde, le pourquoi du comment vous en avez besoin et oĂč et quand vous souhaitez l'utiliser vous appartient.
Beaucoup de déficients visuel passent à cÎté de toute l'aide que peut apporter une canne blanche à cause de l'image stigmatisante qu'elle peut renvoyer. Mais dites-vous que vous avez totalement le droit de modifier votre canne blanche à votre image.
Par exemple, au Domaine des Eaux Bleues, c'est un début, on peut choisir une couleur de poignet. Vous pouvez aussi envisager de faire customiser votre canne par un artiste ou d'y coller des autocollants.
Bref, le fait de customiser ma canne blanche est une idĂ©e qui me trotte dans la tĂȘte depuis un moment mais Ă©tant donnĂ© que j'ai cette fĂącheuse tendance de la tordre et donc il faut que je change les segments; je ne sais pas si c'est vraiment une bonne idĂ©e.
Donc c'est toujours en réflexion.
Cette vidéo touche à sa fin, j'espÚre qu'elle aura pu faire évoluer vos regards sur la canne blanche.
N'hésitez pas à liker, vous abonner et à me rejoindre sur Discord.
N'hésitez pas non plus, en commentaire, à partager votre propre expérience avec les cannes blanches.
Moi je vous fais des bisous et je vous dis Ă la prochaine
Bye !
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