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  • Photo du rédacteurMarjo R. Cosyra

6 conseils pour les profs d'élèves malvoyants



Bon, allez, on attaque !

Bonjour à tous, j’espère que vous allez bien. Je suis très contente de vous retrouver pour cette nouvelle vidéo. On est fin août et pour certains d’entre vous il va bientôt falloir reprendre le chemin de l’école que vous soyez élève ou professeur. Et pour l’occasion de cette rentrée 2019 j’ai eu envie d’aborder sur la chaîne le thème de la scolarité et du handicap à travers 6 conseils que j’aimerais pouvoir donner aux professeurs qui cette année, dans leur classe, un ou plusieurs élèves en situation de handicap et plus particulièrement des déficients visuels parce que c’est le handicap qui me touche et que j’ai vécu dans ma scolarité.

Les conseils que je vais vous donner dans cette vidéo découlent de mon expérience personnelle. J’ai toujours été scolarisé en milieu dit ordinaire et je sais que pour nos amis les profs avoir un élève qui sort un peu du cadre ce n’est pas très simple à gérer, les professeurs sont trop peu voire pas du tout formés au handicap.

Ici, le but n’est pas de faire de jugement. D’ailleurs, je vous invite à participer dans l’espace commentaire pour me donner votre expérience, quelques petites anecdotes, que vous soyez prof ou élève. Je pense que partager les expériences de chacun est une bonne chose.

Du coup, attaquons dès maintenant cette vidéo, c’est parti !


Conseil n°01 : annoncer le handicap dès le début de l’année scolaire


Alors, souvent en début d’année, il faut se présenter devant tous les élèves et quand on est en situation de handicap, ce n’est pas très simple d’aborder le sujet.

Pourtant, c’est une nécessité, alors si vous êtes professeur et que vous voyez que l’élève en question ne le fait pas de lui-même : faites-le !

Bon, souvent, quand ce sont les profs qui le font, on ne va pas se le cacher, ça manque carrément de tact, donc s’il vous plait, mettez y les formes.

Pourquoi est-ce important ? Parce que je pense que laisser les élèves dans le flou quant à la différence et la particularité de l’un d’entre eux n’est pas bon. Bien sûr, il ne faut pas entrer dans des détails scientifiques ou médicaux, non. Juste expliquer pourquoi tel élève a besoin de lire son document de très près, pourquoi il a le droit à un ordinaire en classe, pourquoi il est suivi par un ou une AVS, etc.

Bien sûr cela implique que l’élève accepte son handicap sinon ça peut un peu faire des vagues. Mais ça, c’est un sujet que j’aborderais certainement dans une prochaine vidéo.

Pour moi, c’est important d’aborder le sujet dés le début de l’année avec toute la classe, ça évite que l’élève soit mis de côté par ses camarades qui le trouve bizarre, pas forcément par méchanceté, mais par ignorance parce que si on ne leur explique pas, surtout quand on est des enfants, on ne peut pas comprendre cette différence, on ne peut pas se dire que c’est un handicap, etc, etc. Donc pour moi, c’est important de clarifier les choses avec la classe, toute la classe, dés le départ.


Conseil n°02 : N’imposez pas le premier rang à votre élève déficient visuel


Alors, je ne sais pas pour vous, mais toutes les rentrées des classes, qu’importe les profs, la plupart du temps, ils avaient la gentillesse de me mettre au premier rang, juste devant le tableau.

Alors, pourquoi ? Peut-être parce qu’ils pensaient qu’en étant le nez sur le tableau je retrouverais subitement la vue et que j’arriverais enfin à livre ce qu’il y avait dessus ou que j’arriverais mieux à entendre ce qu’ils ont à nous dire.

Alors, grande nouvelle, même le nez coller au tableau, avec un prof qui écrit le plus gros possible avec son feutre ou sa craie au tracé tout fin, je n’y vois rien, et je ne pense pas être la seule dans ce cas.


Caméraman : Moi, je vois très bien ! En vrai, non, même les gens qui voient ils n’arrivent pas à lire sur les tableaux. Je précise au cas ou…


Bien sûr, cela ne part pas d’un mauvais sentiment. En faisant cela, les profs pensent pouvoir être plus attentifs à leur élève miraud et pouvoir les aider plus rapidement.

Mais par pitié, pour toutes les générations d’élèves déficients visuels à venir, ne nous condamné pas au premier rang ! Ce n’est pas parce qu’on se met au fond de la classe ou le long des chauffages pour ne pas avoir froid l’hiver qu’on est moins attentif à vos cours. Laissez-nous nous installer en salle de cours comme on le souhaite comme tout élève normal, merci.


Conseils n°03 : Les phrases à éviter


Continuons notre lancée des choses qui partant d’un bon sentiment et qui font un flop, j’ai nommé : les phrases toutes faites qui sont censés valoriser l’élève handi mais au final ne font que renforcer sa différence auprès de ses camarades de classe.

Comme exemple nous avons : « Ce n’est pas trop mal… vu ton handicap ». Oui, parce que parfois on aimerait être jugé pour nos compétences et non pas par rapport systématiquement à notre handicap.

Vous avez aussi la cultissime : « Regardez Jean-Michel, il n’y voit rien, mais à réussis l’exercice donc vous aussi vous devriez tous savoir le faire ».


Caméraman : Pauvre Jean-Michel ! Il n’a rien fait !

Moi : Jean-Michel (rire)… Jean-Mich’Mich !

Caméraman : Jean-Mich’Mich ? Jean-Mich’Mich ! A ouais, d’accord, on en est à ce niveau-là ?


Je ne vais pas vous en dire plus, je vous laisse le loisir de me donner vos phrases toutes faites dans les commentaires, ça peut être très, très drôle, mais s’il vous plait, amis professeur, arrêtez d’utiliser l’élève handi comme motivateur pour le reste de la classe. Ce n’est pas du tout agréable, et cela part du principe que comme on est handicapé, on ne peut pas faire aussi bien que les autres et dans ce cas-là il faut le remarquer quand on arrive à faire un effort pour être au niveau des valides !

Non, je ne suis pas du tout condescendante !


Conseils n°04 : Ne faites pas les émargements n’importe comment et ne les imposez pas


Encore quelque chose qui part d’un bon sentiment et qui au final a tendance à flopper.

Quand on est professeur et qu’on a un élève différent dans se classe, on a tendance à vouloir mettre toutes les chances de son côté pour lui permettre de réussir aussi bien que ses camarades. Bien évidemment, c’est là où ça coince parce que souvent les profs pensent se disent que si leur élève est malvoyant, donc a un reste visuel, il suffit d’une bonne photocopie agrandie de la page du livre, d’une feuille d’exercices, du sujet d’examen et ça règle tous les problèmes, il peut s’en sortir tranquillement.

Comment vous dire que c’est totalement faux ?

Mais la plupart du temps les profs ne savent pas utiliser leur photocopieuse. Bon sang, le nombre de fois où j’ai eu des feuilles gigantesques avec le sujet photocopié au milieu pas forcément plus grand que l’original. Et là, ça ne m’aidait pas du tout voire le contraire. Est-ce que vous vous souvenez de la taille de nos bureaux à l’école ? Imaginez-vous devoir gérer plusieurs photocopies démesurées là-dessus. C’est un vrai bordel, on ne s’en sort pas et même si ça part d’un bon sentiment ça nous met plus dans l’embarras et la gêne qu’autre chose.

Agrandissement n’est pas un terme très clair. Il ne s’agit pas de faire une simple photocopie agrandie. Un agrandissement, c’est retaper intégralement un sujet sur un ordinaire avec une mise en page adaptée, un interligne choisi pour l’élève, une police ainsi qu’une taille de police qui lui conviennent. Ca demande beaucoup de temps et je comprends que les profs n’ont pas forcément ce temps à leur disposition, c’est pour quoi il y a des AVS et des ULIS.

Les aménagements demandent du temps et du savoir-faire, et même s’il est normal qu’un élève puisse bénéficier, qu’importe son handicap, de ses aménagements, ils ne sont pas à lui imposer.

Je m’explique, durant ma scolarité, il me restait assez de rester visuel pour pouvoir lire des manuels en police 12, ça ne me dérangeait pas, et j’avais les agrandissements en horreur parce que je n’arrivais pas à men sortir avec. C’était volumineux, je prenais du temps la feuille qui correspondait à l’encadré B12 de la p74 du manuel d’origine. Bref, je me débrouillais beaucoup mieux sans. C’était relativement confortable pour moi et je n’avais pas besoin des adultes pour m’aider à trouver mon confort parce que, selon eux, les agrandissements, ça reposait les yeux, etc, etc. Pour moi, ce n’était pas du tout le cas, je préférais largement utiliser les manuels d’origine et qu’n me laisse tranquille avec ça.

Seconde anecdote : au collège, mon prof de math m’imposait systématiquement mon tiers temps et cela, même si j’avais fini mon contrôle dans les temps, que je mettais relu et que j’avais fait de mon mieux. Il m’imposait ce fichu tiers temps et je n’avais pas le droit de faire comme mes camarades, profiter de la récréation, je devais rester en classe et ce n’était pas très agréable de ce voire imposer un tiers temps même si on n’en a pas du tout envie, voire même pas du tout besoin.


Conseils n°05 : Rester logique et cohérent


La logique et la cohérence devraient être deux maitres mots. On ne peut pas demander la même chose à tous nos élèves. Ils sont tous différents et ont tous leur façon d’apprendre.

J’ai bien conscience, malheureusement, que dans notre système éducatif français on ne peut pas faire de cas par cas, ce n’est pas pour autant qu’il faut tomber dans l’incohérence.

Le meilleur exemple que j’ai pour illustrer ce point est le suivant : j’étais en 2de général, en cours de SVT, et nous devions disséquer une petite grenouille qui n’avait rien demandé à personne. Chacun avait sa petite grenouille et vous imaginez bien que les manipulations à faire sont très précises avec de petits outils. Du coup c’est mon AVS qui a eu la gentillesse de s’y coller.

Ce n’était pas du tout intéressant pour moi dans le sens où je ne voyais pas ce qui se passait, je ne pouvais donc pas comprendre ni participer.

La logique aurait été que mon professeur me fasse des croquis pour que je puisse participer à ma manière à l’exercice. Mais, mon prof de l’époque n’avait pas du tout cette logique et m’a demandé à plusieurs reprises de regarder ce que faisait mon AVS. Cependant, si je voulais regarder ce que faisait mon AVS il aurait fallu que je mette mon nez, littéralement, dans les entrailles de cette grenouille sacrifiée au nom de l’éducation.

Et j’ai dit « non » à mon professeur.

Le fin mot de l’histoire est que je fus renvoyé de mon cours de SVT et présenter au CPE parce que j’avais été odieuse envers mon professeur d’avoir refusé de mettre mon nez dans les entrailles de cette grenouille.

Logique ? Je n’en vois pas vraiment !


Conseil n°06 : Osez !


Le dernier conseil que j’aimerais vous donner, c’est tout simplement d’oser !

Vous êtes professeur, on vous impose des règles pour exercer votre profession, certaines sont aberrantes et il faut donc oser passer au-delà pour permettre à tous nos élèves d’avoir les mêmes chances.

Il y a quelques mois j’ai voulu reprendre des cours à l’université. Pour entrer en cursus il fallait faire un test de positionnement qui n’était qu’un questionnaire à choix multiples, un QCM. J’avais demandé auprès du pôle handicap de l’université de me faire un agrandissement, un fameux agrandissement de ce questionnaire pour que je puisse le faire.

Or, la veille du test de positionnement j’ai été contacté par l’université qui m’a dit de ne surtout pas venir parce qu’ils n’avaient pas réussi à faire les agrandissements.

Pourquoi ? Parce que les sujets de ce test de positionnement étaient arrivés sous scellés et qu’il ne devait être connu de personne jusqu’au jour de l’épreuve. Et ce jour-là, personne n’a eu la bonne idée de dire « fuck », ce n’est qu’un test de positionnement qui n’aura aucune incidence sur le reste de l’année, ouvrons-le, faisons ces foutues photocopies agrandies pour permettre à cette élève différente d’avoir la même possibilité que tout le monde : participer à ce test, à ce QCM le même jour que tout le monde.


Caméraman : Est-ce que je peux dire un truc ? Alors, non, qu’ils ouvrent la veille je trouve ça con parce qu’au final ça veut dire…

Moi : Même le matin, tu l’ouvres 1H avant l’épreuve.

Caméraman : Non, non, non, non, non. Il faut l’ouvrir, au pire, peut-être 5 minutes avant l’épreuve, je pense qu’ils ont un peu de marge quand même. Tu as le droit à un tiers temps ? Le tiers temps ne sert généralement à rien si le truc est bien adapté. Ils prennent 10 minutes, il l’agrandit et ils te le donnent 10 minutes après. Voilà.

Moi : Ce n’est pas censé être fait comme ça. Le pôle handicap, ça sert à quoi de le dire deux mois à l’avance : « il me faut une photocopie agrandie ».

Caméraman : Oui, mais ce que je veux dire c’est que, s’ils sont logiques, ils ne vont pas te faire l’agrandissement la veille, ils te font l’agrandissement le jour J. Un bon agrandissement, comme tu l’as dit, c’est un truc qui est bien travaillé sur Word. Enfaite, ce que je veux dire c’est que tu dis qu’ils devraient faire une entorse au règlement pour quelqu’un de différent. Sauf qu’au final, ça te rend encore plus différente.

Moi : C’est pour la même équité des chances. Tout le monde peut faire ce p*tain de QCM sauf moi.

Caméraman : Oui et non. Comme je dis, il faut juste qu’ils agrandissent le truc le jour J et pas la veille.

Moi : Ils sont censés le faire à l’avance vu qu’ils me demandent à l’avance les aménagements.

Caméraman : Oui, mais c’est qu’ils sont cons. Ils ne savent pas eux-mêmes que les trucs arrivent sous scellés aussi, arriver un moment…


Il s’agissait d’un simple test de positionnement, ce n’était pas noté, ça n’aurait rien influencé sur l’année. Il aurait juste fallu que quelqu’un ait le courage de faire ces agrandissements, de peut-être enfreindre la règle, d’ouvrir avant ces fameux scellés pour que je puisse avoir les mêmes chances que tout le monde et peut-être qu’aujourd’hui je serais encore dans cette formation et j’aurais mon diplôme.

Mais non, parce que vu qu’il y a des règles, tout le monde respecte drastiquement ces règles, ce qui fait que parfois on a des situations complètement stupides.

Et ça, je pense qu’il y aurait moyen totalement de, peut-être pas faire une vidéo, mais juste un live, si ça intéresse quelqu’un de prendre la parole sur ce genre de connerie qu’ils ont eu dans leur cursus scolaire, balancez on pourrait peut-être se préparer soit une vidéo tous ensemble, soit un live pour en discuter parce que c’est le genre de truc, moi, ça m’énerve, donc je ne peux pas en discuter toute seule sinon je parts dans tous les sens.


Caméraman : Non, moi je ne suis pas d’accord. Je trouve ça très con. Un truc sous scellé que tu n’as pas le droit d’ouvrir, tu n’as pas le droit de l’ouvrir même pour un handicapé c’est normal, quoi !

Moi : Du coup, cet handicapé ne passe jamais ses épreuves correctement ?

Caméraman : Non, parce que, comme j’ai dit, ils l’ouvrent le jour J, si le truc est à 13H, ils ne l’ouvrent pas à 13H, ils l’ouvrent forcément avant, c’est sûr et certain. Et donc, ils peuvent prendre 10-15 minutes juste avant le truc, te l’agrandir, et tu l’as au même moment.

Moi : Rien pour que le brevet des collèges, moi je n’ai pas le BAC, parce que à l’époque, j’étais en UPI, maintenant c’est ULIS, même avec toute la bonne volonté du monde, les AVS qui étaient mobilisés sur le collège on du refaire tous les agrandissements parce que rien n’avait été fait, que ce soit pour moi qui avait un reste visuel, des camarades qui étaient totalement non-voyants et les dyslexiques, eux aussi.

Caméraman : Ouais, on les oublie souvent…

Moi : Les dyslexiques, allez faites une dictée les mecs ! Oui, bien sûr, mais encore !

Caméraman : Oui, tu vois, mais là le problème est différent, le problème c’est que les gens ne font pas leur travail. Ça n’a rien à voir avec un truc scellé qu’ils n’ont pas le droit d’ouvrir. S’ils ouvrent le truc, ils vont se faire virer, donc évidemment qu’ils ne vont pas l’ouvrir !

Moi : C’est pour ça que je dis « oser ». Si on est plusieurs à passer au-delà de ces p*tains de règles stupides, on va régler petit à petit le problème.


Est-ce normal ?

Tout élève, qu’importe son handicap, sa maladie, sa différence, devrait pouvoir passer des examens, des contrôles, des tests, n’importe quoi, il devrait pouvoir passer ses examens de manière descente. Pour mon cas et comme pour beaucoup de personnes, ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui.

Et c’est un truc qui m’énerve beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup !

Alors, osez, amis professeurs ! Alors, oui, vous allez certainement vous attirer les foudres de votre hiérarchie, j’en ai bien conscience, ce n’est peut-être pas la chose la plus simple à faire sur le moment, mais c’est par vos actions d’aujourd’hui qu’on changera le changement de demain et que tout le monde, handicapés, pas handicapés, malades, on s’en fout, que tout le monde aura la possibilité de faire des études de manière descente et sur le long terme sans avoir à batailler au quotidien pour avoir des agrandissements, un ordinateur qui fonctionne en cours, un AVS de disponible, etc, etc, etc.


Caméraman : Des toilettes à proximité…

Moi : Oui, pour les gens qui ont des maladies intestinales., etcc.


Osez, s’il vous plait, même si ce n’est pas évident, c’est vous qui ferrez l’éducation nationale de demain.


Cette vidéo est maintenant terminée. Je vous invite à participer dans l’espace commentaire, vous êtes peut-être prof, élève, ou l’avez été, donc n’hésites pas à vous exprimer sur le sujet. Je vous invite aussi à laisser un petit pouce en l’air, ça m’offre un petit plus de visibilité, à partager cette vidéo si elle vous a plu et à vous abonner à la chaîne pour ne pas louper les prochaines vidéos.

En attendant, je vous dis à très bientôt et une bonne rentrée a tous.

Des bisous !


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